29. Parlementer

Tu avances vers la lumière, tu lèves les mains très haut, qu’on voie bien que tu te rends, une bavure est si vite arrivée, tu fais quelques pas sur le parvis. Le temps que tes yeux s’habituent, tu découvres un spectacle magnifique. Tu as bien fait de ne pas fuir. Le lecteur qui voulait résister, lui, où est-il à c’t’heure ? En train de ramper dans la boue du jardin ? A bout de souffle, sur les toits ? Tandis que toi, tu les vois les badauds, les vivants, ils sont tous là ! La petite place ô combien moyenâgeuse est pleine comme un stade un jour de match, ou mieux : comme un élevage de poulets en batterie. Ce moment est à savourer… tous ces gens sont là pour toi ! Tu comprends pourquoi, au bon temps des exécutions publiques, certains rêvaient de finir guillotiné sur la place ! Toi, en plus, comme tu n’as rien fait, tu ne risques pas grand-chose. C’est peut-être là, ton erreur. Tu n’as rien fait ? La belle affaire ! Depuis quand faudrait-il avoir fait quelque chose pour être exterminé, brûlé sur un bûcher, embarqué dans un wagon ?

A ton apparition, le silence s’est fait, ou presque, disons, un grondement ralenti, un murmure lourd de menaces. Et toutes ces paires d’yeux qui te regardent ! Finalement c’est peut-être un peu trop pour toi comme émotion, non?

– Ne bouge plus ! crie un haut parleur.

C’est peu dire que tu bouges plus, tu es paralysé.

Soudain, une ombre est passée dans la lumière, un projectile t’a frôlé le crâne. ça donne le signal. Une immense vocifération s’élève, un galet frappe le sol tout près de ton pied, un truc s’écrase à droite. Tchak ! Ploc ! Tac ! Splatch ! On te canarde de partout. Tu vois arriver des trucs. Tu essaies de les éviter… Soudain, sur tes yeux, ton nez, ça explose. Un truc visqueux. Tu as juste le temps de croire que c’est une tomate, une simple tomate, que ça fait très mal, ça pique, tu tombes en arrière.

Tu es tombé en arrière, ta tête a cogné sur le sol, une douleur énorme, un fracas cosmique dans ton crâne, tu te dis ça va pas durer, c’est rien, je me suis cogné la tête, bref tu minimises, tu veux pas admettre, tu te relèves, tu veux faire un pas, tu vois tout noir (une fraction de seconde) et tu t’affaisses.

Tu viens de t’évanouir, de tomber dans les pommes, mais tu ne le sais pas encore, forcément, évidemment, puisque tu es dans le trou noir, donc fais comme si je ne t’avais rien dit, reste inconscient… Ensuite, va te réveiller, te requinquer, retrouver ta science, ta conscience à l’hôpital, au chapitre 43.