25. A genoux dans l'obscurité
Pourquoi te retrouves-tu, ainsi, à genoux dans l’obscurité ? Que s’est-il passé ? T’es-tu endormi ? Evanoui ? Combien de temps ? Il y a un trou dans ta vie ! Etais-tu soûl ? Qu’as-tu encore consommé ? Et maintenant, où te trouves-tu? Dans un placard ? Une prison ? Un tunnel ? Une grotte ? Un tombeau ?
Ta main gauche touche un tissu ! un rideau ! une ouverture ! Tu écartes le rideau de la main et résolument tu sors dans la lumière, en fait, assez faible, la lumière, parce que tu es dans une église ! Une église ! Les rangées de bancs ! Les piliers qui s’élèvent dans la pénombre ! Et là-haut ce vitrail multicolore illuminé de l’extérieur par un soleil couchant !
Mais d’où arrives-tu ? Retourne-toi !
Ça alors ! Le rideau que tu as écarté, c’était le rideau d’un confessionnal ! Un vieux confessionnal comme autrefois ! Et voilà qu’un prêtre sort par la porte du milieu ! Un petit curé bien propre qui te regarde en souriant, il plisse ses petits yeux derrière ses lunettes rondes et il te parle !
– Vous vous sentez mieux, n’est-ce pas ? Vous avez bien fait de vous soulager !
Quoi ! Il te parle comme si tu venais de confesser une faute !
Qu’est-ce que tu as bien pu lui dire ?
C’est la mémoire immédiate qui te fait défaut !
Il vient de se passer quelque chose, là dans ce confessionnal, c’est sûr ! Mais quoi ? Le blanc ! Le vide ! Un rideau de fer est tombé sur ton passé immédiat comme parfois sur notre rêve quand on se réveille ! Le curé a l’air tout ému, tourneboulé ! Il veut continuer la conversation ! Tu as dû lui raconter un truc grave !
– Mon enfant, te dit-il, puis-je vous poser une question ? … Est-ce bien la vérité ? N’auriez-vous pas inventé tout cela dans je ne sais quelle intention malveillante ?
Comme s’il lisait dans tes pensées ! Tu as dû inventer une faute horrible rien que pour le scandaliser ! Rien de vrai évidemment ! Mais quoi ? Mais pourquoi ? Et lui, ça lui a plu, il en redemande !
Qu’est-ce que tu as bien pu lui dire ? Tu veux savoir ! Si ça lui fait peur, si c’est si grave, est-ce qu’il ne serait pas capable d’appeler la police ? Quoi ? Le secret de la confession ? Dans le cas d’un crime, on ne sait jamais ! Ce curé a peut-être une âme de flic ? De défenseur de l’ordre établi ?
Pourquoi as-tu inventé ce crime ? Mais es-tu si sûr de l’avoir inventé ? Tes souvenirs sont perturbés, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui te prouve que ce n’est pas la vérité ? Est-ce que dans ta fuite après ton forfait, tu n’aurais pas éprouvé le besoin de te confier, de lâcher le morceau ? Même quand on n’est pas vraiment croyant, on peut soudain se dire qu’on va profiter du secret de la confession ! La confession, quelle invention géniale ! Dans ton enfance, n’y avais-tu pas recours ? Un poids sur la conscience ? Hop, un passage dans le réduit obscur ! Ouf, la chose était dite, on repartait soulagé.
– Hein, dit le curé, qui poursuit son idée, dites-moi, ce n’est pas vrai, n’est-ce pas ?
Mais pourquoi, par quelle bravade, quelle folie, t’entends-tu répondre :
– Si, c’est vrai, je n’ai rien inventé !
Alors que tu ne sais pas de quoi il s’agit !
– Ecoutez, dit le prêtre très ému, je vous conseille d’aller vous rendre à la police !
Rien moins ! Tempête sous ton crâne ! Palpitations !
Comme il est oppressant, le silence de la petite église !
Et soudain, les sirènes à l’extérieur ! La police ! Brouhaha général ! Moteurs ! Crissements ! Courses ! La petite église est cernée ! La grande porte s’ouvre avec fracas ! La lumière bondit dans l’église !
– Rendez-vous sans résister, crie un haut-parleur à l’extérieur !
– Mais non ! C’était une blague ! J’ai dit ça sans réfléchir !
– Menteur ! s’écrie le curé surexcité, allez, rends-toi ! Rends-toi, méchant, vilain !
– Montrez-vous, crie le haut-parleur, avancez vers la porte !
Vas-tu avancer vers la lumière et vers tous ces gendarmes certainement postés autour du parvis ? Penses-tu pouvoir parlementer ? Vas-tu te rendre et supporter les quolibets de la foule grondante que tu devines massée derrière eux ? Certainement, les journalistes aussi sont arrivés, et les camions des télés, on règle les objectifs, les micros…
– Rendez-vous sans résister, répète le haut-parleur !
Sans résister ? Dans pareille situation l’humanité se divise en deux groupes : ceux qui parlementent et ceux qui s’enfuient !
Toi qui veux résister, tu n’as qu’une idée : fuir d’abord, te mettre en sécurité, ne pas leur faire confiance. Alors opte pour le chapitre 27 !
Toi qui te dis que tout ceci est un malentendu, qu’il est idiot d’aggraver ton cas et qui penses donc te rendre sagement pour éclaircir ton affaire, tu n’as qu’à opter pour le 29.