7. Inconnu

On a choisi d’avancer dans l’inconnu… On largue tout… On abandonne… On s’abandonne ! Foin des nécessités et finies les contraintes ! On avance, on avance. On avance en errance. On ne sait plus bien où. On ne sait plus bien qui. On se déplace, ému, dans la vaste caverne où les formes, les parfums et les sons se répondent. Laissez ici toute raison, vous qui entrez ! Après la plaine blanche, une autre plaine blanche, un désert que parcourt la girafe enflammée, on va vers la fenêtre qui s’ouvre sur le mur, dans l’obscure clarté qui tombe des étoiles. Toujours nous accompagne le sentiment d’errer, toujours l’incertitude, toujours l’humain se sent perdu. Perdu dans le désert, perdu dans la forêt, perdu dans la caverne. Sa pauvre lanterne éclaire vaguement les cailloux les plus proches mais les parois immenses et les gouffres profonds attendent dans l’obscurité. Qui peut savoir où ça nous mène ? Il faut pourtant qu’on continue. Qu’on explore. Qu’on se déplace. On possède des jambes ou bien des véhicules. Notre destin est d’avancer. Toujours porter plus loin le faible lumignon. Possible qu’on oublie ce qu’on vient à l’instant d’éclairer ? On nage dans la métaphore. On s’immerge dans le poème. On circule dans la caverne de l’esprit, on déambule dans les cellules de la cervelle, le courant passe, les connections toujours nouvelles s’installent entre les milliards de neurones, on établit des synapses improbables, des trajectoires se tendent d’un astre à l’autre à travers le cosmos intérieur. Est-ce qu’on est dans un jeu ? Est-ce qu’on est des pixels ? Suffit-il de cliquer pour ouvrir le rideau ? Où naviguer ? Pourquoi ? Pourquoi fendre l’écume, si toujours derrière nous le sillon se referme ? Comment faire pour pouvoir emporter quelque chose ? Comment saisir l’insaisissable qu’on sent présent dans la nuit de l’esprit ?

Le parcours est de plus en plus difficile, on se cogne la tête à des plafonds pourris… On croit voir, tout petit, très loin, l’œil blanc et rond du bout du tunnel. On avance dans cette direction, mais on avance avec effort, l’atmosphère est tiède, la respiration difficile, chaque pas étonnamment pesant, on s’enfonce, on s’enlise dans une matière chaude… On est peut-être tombé ? On est peut-être en train de tomber sans fin dans une nuit épaisse, enveloppante, étouffante… On est dans du flou, de l’oppressant, recouvert par des tissus lourds, des draps obscurs… On est dans de beaux draps… Tu es dans de beaux draps…

C’est pas grave… C’est pas grave … Tu es bien… Tu es paisible… Il doit s’écouler du temps… Tu ne sais plus… Tu es dans l’obscurité… Il a du s’écouler du temps… Il s’est passé quelque chose…

Dans l’obscurité, tu te rends compte que tu es à genoux… à genoux dans l’obscurité ? La suite au chapitre 25.