35. Agir
Tu as choisi d’agir. Tu as raison, il y a certainement des gens à qui porter secours. Tu es resté assis sur l’herbe depuis trop longtemps. Quelques minutes peut-être ? Peut-être moins d’une minute ? Une demi-heure ? Ou beaucoup plus ? Tu as laissé s’écouler du temps. Ressaisis-toi. Pour une fois que tu es mêlé à un événement, il faut que tu vives le truc à fond !
Tant bien que mal, tu te relèves et tu te lances dans la bagarre, enfin, disons, dans l’action. Tu redescends dans l’obscurité pour retourner vers les wagons accidentés, mais il y a des broussailles, une haie. Par où es-tu passé ? Emporté par le mouvement, on fait des trucs dont on ne se souvient pas. Tu tâtonnes un peu, tes mains rencontrent des feuillages trop denses, tu veux contourner, tu crois avoir trouvé un passage quand une forte poigne s’abat sur ton épaule :
– On n’approche pas, c’est dangereux, laissez faire les secours !
Et voilà ! Tu n’es pas un badaud, pourtant, cette catastrophe, tu y as participé, c’est un peu la tienne, eh bien, non, les forces de l’ordre sont déjà là pour te soustraire à ton propre événement. Si tu veux savoir ce qui t’est arrivé, tu n’auras qu’à regarder la télé, ils feront des reportages magnifiques qui te raconteront tout.
Tu tentes d’insister, tu dis :
– J’y étais. Il faut que j’y retourne. Chercher mes affaires. Ma valise.
– C’est interdit.
Le grand mot est lâché ! Interdit ! Tout est dit !
Et là pour le coup, va se révéler ton rapport à l’autorité. Vas-tu t’énerver, prendre à partie le gendarme, te laisser aller à dire des choses qui fâchent et te retrouver au commissariat pour insulte à agent, rébellion ? Ou alors, vas-tu tenter de négocier avec l’homme de loi, persuadé qu’il va te laisser passer si tu t’y prends bien ? Ou alors, troisième solution, renoncer tout de suite, sans aucun espoir de fléchir l’inflexible ? En voilà des jolis choix pour la sortie de ce chapitre !
Eh bien, non. Pour cette fois ça ne changera rien. Parce que, probablement plus choqué que tu ne le croyais, tu vas soudain perdre connaissance et te retrouver au chapitre 43 exactement dans le même hôpital que si tu étais resté tranquillement assis à observer.