55. Transpirer
Séjour îlien. Lecteur, goûtant promenade pédestre, nature, paysages, entreprend randonnée parcourant montagnes tropicales.
Adorant aussi littératures potentielles, contraintes paradoxales, essais formels improbables, écriveur envisage récit particulièrement tarabiscoté. Contrainte choisie : vocables monosyllabiques interdits. Monosyllabiques, vraiment ? Cela semble impossible, voyons ! Eliminer ainsi déterminants, pronoms, prépositions ? Essayons toujours !
Paysage : grandiose ! Dénivellation, végétation, aucun affleurement rocheux, sommets aériens, versants verticaux, ravines profondes, replats, pitons, mamelons, partout toison végétale, enveloppe chlorophyllienne, couverture pays.
Problème: comment nommer ici notre promeneur-écriveur ? Deuxième personne ? Houla, houla, houla ! Tutoiement prohibé, vouvoiement itou, désignation pronominale impossible. Lénine dirait : comment procéder ?
Disons : voici présentement notre lecteur matutinal déambulant avec quelques amis. Formulation acceptable. Enchainons. Quelques nuages occultent déjà certains sommets, effet diurne explicable ainsi : surface océanique échauffée lentement, surface terrestre échauffée rapidement, atmosphère aspirée direction montagne, ascendance, poussée verticale, altitude, refroidissement, condensation, nuage, brouillard, farine, averse. Explication lumineuse ! Remarquons ceci : pareille contrainte induit style télégraphique.
Notre courageuse équipe baladeuse croise nombreux autres déambuleurs : promeneurs marchant pépères, randonneurs énergiques crapahutant, sportifs cavalant… Montagnes inhabitées, hélas vachement fréquentées ! Ajoutons : tellement magnifiques (ceci expliquant cela).
Fraicheur matinale ! Altitude euphorisante ! Limpidité atmosphérique extraordinaire ! Reliefs, formes, pitons, tétons, sillons, mamelons, pointes, braquemarts, érections basaltiques, cascades caressantes, brouillards effleurant remparts, gouffres, cavités, cratères, érotique érosion, verdoyante vertigineuse verticalité ! Effort corporel, transpiration, respiration, palpitation ! Harmonie primitive retrouvée ?
Ruisseau miroitant franchi… Quelques goyaviers rouges repérés, aussitôt cueillis, aussitôt consommés, nourriture rafraîchissante, acide, sucrée, stimulante !
Montée. Cailloux. Montée. Montée… Effort certes salutaire, toutefois répétitif… Ellipsons ! Passons dernière montée, légère accélération, respiration difficile, sommet enfin ! Pausons. Lumière ! Espace ! Horizon océanique ! Moment céleste. Altitude procure béatitude, communion, amitié. Photos, casse-croûte, appétit féroce, nourriture partagée, plaisanteries aériennes…
Hélas, redescendre semble inéluctable. Retour, sentier, descente, sentier, secousses, articulations meurtries, durée infinie, fatigue musculaire, regard ensoleillé. Enfin rejoindre automobile, descendre encore, virages, chaleur, maison, boisson, repas, repos.
Marcheur écriveur doublement satisfait : balade magnifique réalisée, consigne impossible respectée (sur un script très court, c’est vrai, mais on l’a dit, on l’a fait)
Après pareille parenthèse montagnardo-littéraire, promeneur fourbu continuera harassante lecture.
Qui visitait l’île au chapitre 61 n’a qu’à aller prendre la plume au chapitre 67.
Qui écrivait au chapitre 67 peut très bien visiter l’île au chapitre 61.
Mais si, enhardi par cette ascension, fasciné par les remparts, les pitons, les ravines, mais aussi écœuré par la pseudo modernité de la côte, des bagnoles et du béton, tu veux tourner le dos aux humains et revenir seul pour te perdre dans l’intérieur et végéter dans la forêt, passe au chapitre 64.