62. Où l'auteur se justifie de façon lamentable
L‘auteur (intervenant) :
– Pas facile tout de même, lectrice lecteur, de te la raconter, ton histoire ! Déjà, j’entends quelqu’un me demander : pourquoi cette façon de parler : lectrice lecteur? Et comment veux-tu que je m’exprime, hein ? J’aimerais pouvoir te désigner par un seul mot, mais lequel ? La langue française ne supporte aucune incertitude sexuelle, surtout à l’écrit ! Mâle ou femelle, il faut choisir et rentrer dans son rang…
La lectrice critique (intervenant) :
– Et toi, tu as choisi : tu commences par « lectrice lecteur » pour te dédouaner et ensuite tous les adjectifs sont au masculin. Tu n’es qu’un macho comme les autres !
L’auteur :
– Je ne peux quand même pas écrire : arrivé(e) là, tu es hésitant(e) comme certains le font. Franchement, je trouve ça imprononçable. Le langage c’est d’abord la parole et jamais personne ne parlera comme ça. Alors oui, je garde le masculin tout le long et je donne un signe en commençant pas lectrice lecteur, ce qui est déjà très lourd et va à l’encontre de l’économie du langage …
Bon, c’est vrai, j’adopte dans le fil des histoires, que je le veuille ou non, un point de vue masculin, plutôt hétérosexuel et j’en suis désolé, chère lectrice critique. Alors, voilà ce que je te propose : les chapitres où l’ambiance sexuelle te déplait, tu n’as qu’à les réécrire et nous proposerons un choix : pour le lecteur, pour la lectrice, deux histoires parallèles … au moins au début… ensuite qui peut savoir où tu vas nous mener ?
Va voir à ce sujet le chapitre 76.
Et l’âge ? Dois-je t’attribuer un âge ? Des convictions ? Une langue ? Une langue, oui, certes, ma langue, c’est la française, mais la langue avec laquelle j’écris ? La mienne ? Ma spécifique ? Lire un livre, c’est entendre la langue de quelqu’un, non ? Et dans ce cas, c’est en quelque sorte, pour toi, la parler, je te fais parler ma langue, ça peut déranger… Sans compter que lire un livre, c’est non seulement adopter la langue, mais aussi le regard de quelqu’un, ne serait-ce qu’un instant, juste le temps de la lecture, ne crois-tu pas ? Adopter ses désirs sans doute ? Ses souvenirs même ? Ses souvenirs, c’est peut-être un peu exagéré ? Nous sommes nos souvenirs, de quel droit l’auteur pourrait-il te dire qui tu es en t’imposant des souvenirs ? Certes, mais en même temps, lire des livres et des livres, n’est-ce pas s’approprier l’expérience des autres ? Et les aventures du héros, est-ce qu’on ne les a pas vécues, nous aussi ? On s’est tellement pris pour lui, ou pour elle, que ses aventures deviennent un peu nos propres souvenirs, non ?
Lectrice lecteur, plus j’écris ce livre, plus je me rends compte que je te demande beaucoup ! Quelle prétention, quelle tyrannie, de vouloir m’imposer à toi ainsi en te faisant vivre d’autorité mes propres histoires ! Mais dis-toi bien qu’au départ, j’ai simplement voulu m’amuser avec toi, c’était un jeu. D’ailleurs, tu sais cela parfaitement et peut-être suis-je le seul à m’en inquiéter ?
Tout de même, permets-moi d’espérer que ce mode d’écriture favorisera ta distanciation… et donc ton amusement ?
Bon, j’en ai fini avec mon commentaire…
Oui, c’est vrai, j’aime bien les commentaires, pourquoi m’en priverai-je ?
Mais si, c’est fini, tu peux retourner à ton roman.
Non? Tu veux connaître la vie de l’auteur? Elle se trouve au chapitre 79.
Sinon, eh bien, retourne au chapitre qui t’a dirigé par ici… Comment ça, tu ne sais plus lequel c’est ? Probablement le 14 ou le 5.
Mais peut-être dis-tu cela parce que tu n’as nulle envie de revenir en arrière ? Car l’humanité se divise en deux groupes : ceux qui savent revenir sur leurs pas et ceux qui foncent vers l’avant quoiqu’il arrive. Si tu fais partie du deuxième groupe, tu n’as qu’à sortir, errer au hasard et entrer dans un bistrot au chapitre 18.