49. Vols

Un taxi te conduit à travers la ville jusqu’au petit aéroport. Tu n’es pas en avance mais tu arrives à temps pour monter dans un bimoteur qui traverse une portion d’océan jusqu’à un autre aéroport d’où tu prendras un deuxième avion pour chez toi.

Arrivé là, tu tentes de te renseigner à un guichet, il n’y a pas de vol aujourd’hui pour ton pays mais si tu veux un départ immédiat, tu peux rallier un troisième aéroport, celui d’une grande cité touristique où les vols pour ton pays sont très fréquents. Tu attends ce deuxième avion, il part plus tard que prévu, mais il décolle enfin dans la nuit. Vous survolez les lumières d’une grande ville, une ville de 10 millions d’habitants te dit ton voisin, une ville dont tu ignorais encore le nom ce matin et l’auteur lui-même l’a déjà oublié, pauvres dix millions d’habitants qui ont tant de mal à exister dans nos esprits !

Au cours de la nuit l’avion fait une halte technique quelque part en zone désertique, tu as sommeil, tu veux rester sur ton siège à dormir mais descendre est obligatoire pour respecter la réglementation, c’est curieux comme aujourd’hui alors que s’affiche l’idéologie de la déréglementation économique, la vie pratique des gens est de plus en plus réglementée, en somme il n’y a de liberté que pour le pognon, on le savait déjà mais le répéter ça soulage, bref tu fais comme les autres, tu te lèves et tu te diriges vers la porte de l’appareil, dehors c’est chauffé, en plein milieu de la nuit on est ici dans un four, dans une masse d’air épaisse palpable tellement elle est chaude, l’haleine du désert, on ne voit rien du pays qui a l’air plat, quelques lumières par-ci par-là assez loin, on dirige votre troupeau docile vers un bâtiment de béton, personne n’est très bavard, ils respectent le grand silence de la nuit, les gens qui travaillent ici semblent être africains sous leurs uniformes, tu ne sauras rien d’eux, tu ne sauras rien du pays dans lequel tu fais halte, tes congénères voyageurs n’ont pas l’air de s’en soucier, ils vont commander un coca au bar, ils attendent que l’avion redécolle, ils sont là comme n’importe où.

Longtemps plus tard, à l’aube, vous remontez dans votre boite de métal, sans vous inquiéter de savoir pourquoi l’escale technique a été si longue, il y avait peut-être un truc grave, évidemment on ne vous a rien dit, il faut être fataliste pour monter dans un avion, ça vibre, ça ronronne, tu sommeilles et dès que tu t’endors on te réveille, on est arrivé, on t’invite à descendre, tu poses le pied sur le sol de ce troisième aéroport où évidemment tu as raté ta correspondance ce qui fait que ton départ n’est prévu que pour le lendemain. Il y a des jours comme ça… Cependant on t’informe d’une possibilité pour le soir même, tu pourrais être chez toi dans la nuit mais, évidemment, c’est une compagnie beaucoup plus chère et en plus il ne reste de la place qu’en première classe, vas-tu saisir cette possibilité ? En vérité l’humanité se divise en deux groupes : ceux qui dépensent et ceux qui comptent, ce n’est pas une question de compte en banque, dans une situation donnée, il y a des gens qui choisiront selon le prix et d’autres parfois beaucoup moins riches qui choisiront selon leur désir et toi, dans quelle catégorie te situes-tu ?

Si tu veux rentrer sans regarder le prix, dirige-toi vers le chapitre 72.

Au contraire si tu n’es pas du genre à jeter l’argent par les fenêtres, si pour toi un sou est un sou, tu acceptes cette escale imprévue et tu te diriges vers l’hôtel international pour profiter de la chambre qui t’est réservée. Mais non, je plaisante, si tu te diriges vers l’hôtel, ce n’est pas parce que tu es radin, c’est parce que tu en as marre mais alors marre des voyages en avion, du coup, tu es content que ça s’arrête, même si c’est reculer pour mieux sauter.

Dans cette ville aussi il fait chaud mais avec le soleil déjà très haut c’est plus habituel, les autos, les immeubles aussi sont habituels et ton taxi t’emmène vers un hôtel international habituel.

Il y a beaucoup de monde dans l’entrée. Est-ce que, malgré ta fatigue, tu as envie de rester avec les gens et tu commences par t’accouder au bar de l’hôtel ? Ou est-ce que tu n’as qu’une idée : te retrouver enfin seul(e) dans une chambre propre et faire couler sur ta peau l’eau purificatrice ? Prendre une douche ou prendre un verre, voilà la question !