69. Ailleurs
Ailleurs, ailleurs… facile à dire. Lectrice lecteur, l’auteur t’en a déjà fait voir, du pays ! Mais toi, tu es comme les autres, tu réclames toujours du nouveau. Du nouveau ! Du nouveau ! Tel est le cri affamé des hordes de lecteurs surgissant dans les cauchemars de l’auteur.
L’obsession de l’innovation qui hante l’art contemporain autant qu’elle obsède le monde de la marchandise, t’a donc saisi toi aussi, lectrice lecteur ? Ne vois-tu pas la perversité qu’il y a à toujours chercher la nouveauté ? La sagesse des enfants nous demande de raconter toujours la même histoire, de repasser vingt fois le même film, mais hélas, ils grandiront et la société de consommation aura bientôt raison d’eux. Ils deviendront eux aussi des Don Juan culturels pour qui tout le plaisir sera dans le changement.
Mais j’entends le lecteur critique m’accuser de faire diversion avec du blabla parce que je n’ai rien à proposer. Mais non, j’y viens, j’y viens.
J’ai bien compris ce que tu veux : un nouveau départ, un truc suffisamment grandiose pour qu’il vaille la peine de t’arracher à tes habitudes, n’est-ce pas ? Hé bien oui, l’auteur a ça dans ses mallettes. L’immensité. Il peut même te faire choisir entre plusieurs immensités. Qu’est-ce que tu préfères : le ciel, l’océan ou les montagnes ?
Le ciel, comprends : l’espace, carrément, le voyage spatial, le grand départ. Est-ce que ça te plairait de te retrouver bien loin, bien loin de ta planète à bord d’une station spatiale partie pour une entreprise extraordinaire ?
L’océan, comprends : l’océan infini et ses mystères à affronter seul en mettant cap au sud à bord d’un frêle esquif, pas mal non plus, n’est-ce pas ?
Les montagnes, comprends : te perdre dans l’inextricable toison végétale qui recouvre les montagnes de l’île, t’y perdre pour y végéter loin des humains.